Colloque sur la modernisation de l’administration publique – Congrès de l’ACFAS

L’équipe de la Chaire ainsi que d’autres collègues de l’ENAP ont organisé un colloque d’une journée sur la modernisation de l’administration publique, qui a eu lieu dans le cadre du congrès de l’ACFAS à la fin mai. Ce colloque avait pour objectif de réunir praticien.nes, chercheurs et chercheuses intéressé.e.s à la fonction publique fédérale et plus précisément, à sa modernisation. Quatre thèmes ont été abordés au cours de la journée. Nous vous offrons ici un court résumé des présentations dont les participant.e.s ont pu profiter.
Diversité et inclusion
En début de journée, Iwan Chan et Renée de Bellefeuille, tous deux gestionnaires au gouvernement fédéral, ont discuté de l’équité en matière d’emploi dans la fonction publique. Selon eux, il n’existe actuellement pas de cadre global pour mettre en pratique l’inclusion au sein de la fonction publique. Certains ministères sont plus actifs que d’autres à cet égard. Quelques défis se posent quant à l’inclusion des individus. Il existe le problème de l’auto-identification parce que chacun.e préfèrerait être identifié.e pour son mérite et non son handicap ou sa couleur de peau. Il reste beaucoup de sensibilisation et d’éducation à faire dans ce domaine.
Un sondage réalisé auprès des employé.e.s de la fonction publique montre qu’il y a davantage de défis pour certains groupes minoritaires et de moins en moins pour les femmes. Actuellement, les panélistes remarquent un vent de changement au sein du gouvernement fédéral. Non seulement les directions sont de plus en plus engagées, mais les syndicats le sont tout autant. Ils ont terminé en mentionnant que l’inclusion va bien au-delà des apparences. Il faut prendre le temps de solidifier l’engagement des employé.e.s et ce, dès l’embauche. Il est important d’avoir des échanges ouverts sur les défis d’inclusion.
Innovations et nouvelles technologies
Un peu plus tard en matinée, Daniel J.Caron de l’ENAP et Pierre Desrochers du gouvernement fédéral ont présenté une communication sur les technologies numériques et le principe du dossier. Le concept même du dossier évolue au fil du temps. Est-ce que les instruments politiques ont été mis à niveau pour le numérique? Pour eux, ce n’est pas le cas et il existe un problème de cohérence avec les lois. Ils ont souligné quelques lacunes existantes comme l’absence d’obligation de documenter; l’absence de normes de documentation; ou encore le manque d’intégration entre les instruments et de collaboration entre les acteurs impliqués. Il existe actuellement une masse de données électroniques au sein de la fonction publique. Le cadre normatif pour la gestion de celle-ci demeure incomplet. Pour les panélistes, il faut aussi repenser le rôle du fonctionnaire à documenter.
Ensuite, Nicholas Jobidon de l’ENAP et Michel Mathieu du gouvernement fédéral ont présenté une étude de cas sur l’accès à la justice via des audiences à distance au sein du Tribunal de la sécurité sociale du Canada. Il s’agit d’une innovation datant de 2013, puisqu’avant cela, toutes les audiences se faisaient en présentiel. Aujourd’hui, des juges peuvent travailler à partir de leur domicile ce qui est beaucoup moins coûteux, mais qui pose certains défis. Les audiences à distance ne sont pas réalisables dans tous les cas comme lorsqu’il est nécessaire de voir la personne pour attester de sa crédibilité. Mais, dans la majorité des cas, il est tout de même possible de faire une audience par visio-conférence ou par téléphone. La transition vers des audiences à distance ne s’est pas faite sans heurt. En effet, certaines personnes, un peu moins à l’aise avec la technologie, étaient défavorables à l’idée. Mais, il y a tout de même une forte proportion des gens qui apprécient la nouvelle pratique.
Prise de décision sous haute tension
En début d’après-midi, Dominique Boily du gouvernement fédéral a fait un exposé sur le courage et l’innovation. Pour lui, la fonction publique a une culture plutôt traditionnelle de l’application et du respect des règles qui surpasse les autres intérêts (personnels ou autres). Il importe de comprendre le rôle et la mission de l’organisation pour laquelle on travaille. L’innovation peut être brimée par le regard du groupe. Certains gestionnaires ont peur de la perception des autres. Pour le conférencier, il faut avoir le courage de tout discuter et de tout débattre.
Ensuite, Michèle Charbonneau de l’ENAP a fait un exposé sur les travaux du sociologue Christian Morel et sur comment ces derniers pourraient permettre d’étudier le cas Phénix au Canada. Elle a rappelé les fondements théoriques de l’approche de Morel. Plusieurs gestionnaires peuvent avoir des difficultés à prendre des décisions de qualité. Grâce à des exemples concrets, la conférencière a montré comment des décisions absurdes avaient pu conduire à des erreurs radicales et coûteuses comme le lancement de la navette Challenger en 1986.
Ce panel s’est terminé avec l’intervention de Geneviève Tellier de l’Université d’Ottawa. Elle a discuté de la place de l’évaluation et de la reddition de compte dans l’administration publique. Pour elle, la vérification s’impose dans l’administration publique au détriment de l’évaluation. Elle a mentionné des raisons politiques et administratives pour expliquer cela. Par exemple, parmi les raisons politiques, elle a cité la centralisation, l’importance du court terme vu le cycle électoral, le besoin de toujours se renouveler, et l’aversion au risque. Au sujet des raisons administratives, elle a cité, notamment, la bureaucratie (hiérarchie et uniformité), la rationalité et le besoin de mesure au sein de la nouvelle gestion publique. Elle a proposé des pistes de solution qui dépassent l’habituelle réponse classique de décentraliser. Une meilleure implication des citoyen.ne.s au cœur de l’action publique serait plus prometteuse ou encore la création d’un nouveau poste d’ombudsman.
Mesure de rendement et évaluation
Ce panel a commencé avec l’intervention de Christine Minas, du secrétariat du Conseil du Trésor. Elle a discuté de la modernisation à partir du centre pour influencer les décisions en matière de politique, de programmes et de prestation. Avant, il n’existait pas vraiment de politique de rendement. Maintenant, l’évaluation et la mesure de rendement font partie intégrante de la politique. Il y a un continuum entre les objectifs de la politique, sa conception et sa mise en œuvre, ainsi que la gestion et la prestation des programmes. Ce continuum est requis pour avoir un portrait plus cohérent en matière de rendement. Par ailleurs, elle a proposé des façons de changer les discours généralistes et défaitistes. Par exemple, au lieu de dire « nous n’avons pas de données », nous pouvons dire que « nous avons besoin de meilleures données, mais que l’ensemble des connaissances actuelles contient des renseignements précieux dont on peut tirer profit ».
Par la suite, Éric Champagne et Francis Gaudreault de l’Université d’Ottawa ont parlé de la politique sur les résultats et de l’agilité organisationnelle. Ils ont développé davantage sur les approches agiles ou adaptatives qui sont plus pertinentes dans certains contextes qu’on peut qualifier de complexes. Les méthodes plus traditionnelles de la gestion axée sur les résultats ou de la résultologie ne sont pas applicables dans certains cas. Un problème complexe doit être vu dans son ensemble. Certains mots clés sont à retenir de leur communication dont l’adaptation (réagir et s’adapter), la coordination (collaboration et partenariats), la réactivité (interaction avec les usagers), et l’itérativité (essai-erreur et expérimentation).
Discours de clôture sur « Au-delà de 2020 »
Enfin, le discours de clôture a été fait par Manon Brassard, sous-ministre à Développement économique Canada pour les régions du Québec. Elle a brièvement mentionné le travail réalisé avec l’Objectif 2020, mais pour elle ce n’est pas terminé. Il y a toujours une volonté d’ouvrir les portes aux nouvelles idées à travers « Au-delà de 2020 ». Chaque ministère possède un plan par rapport à cette initiative qui se traduit à travers les trois concepts majeurs qui sont de diriger, de contribuer et de collaborer. Pour la Sous-ministre, il y a une volonté à en savoir plus sur les résultats, à augmenter la mesure du rendement, à apprendre ce qui fonctionne dans certains milieux et non dans d’autres, etc. Elle a invité le public, les chercheurs et chercheuses à collaborer avec le gouvernement à cet égard.
En somme, la journée de colloque a été riche en informations variées. Les conférenciers et conférencières ont été d’une grande générosité. Nous les remercions sincèrement.